Prez Zooey

« J'suis née en Allemagne, à Berlin »  et j'adorais Berlin, bien qu'en réalité je n'en garde que des souvenirs d'enfants. Et quand on est enfant tout semble parfait, en général. Ou quand ca n'est pas le cas on déteste cela, simplement, et il est presque impossible de trouver un juste milieu. Mais moi, je garde un souvenir fantastique de Berlin, de notre petit pavillon dans le quartier Est, où mon frère (de deux ans mon ainé) et moi avons grandit dans l'amour démesuré de nos parents. Mais notre père était Irlandais, et lorsque j'ai eut neuf ans j'ai appris que nous devions quitter notre maison, mes amis, mes habitudes, mon école - tout ce qui faisait la vie d'une enfant - pour rejoindre un pays qui me semblait terriblement loin. « Je veux pas y aller ! Je fuguerai, j'prendrais le train et je reviendrais ici. »  C'est peut être pour cela que je déteste l'Irlande, parce que j'ai été obligée de tout quitter pour retrouver un pays froid, humide, et vert. Je déteste le vert, j'ai commencé à détester cela quand j'avais neuf ans; hasard me direz-vous ? Non, aucun de nous ne peut croire cela.

« J'ai découvert que j'tais une sorcière » alors que j'avais douze ans, et qu'avec mon frère nous étions en train de faire la cuisine pour soulager nos parents. Notre père absent - et nous découvrirons plus tard qu'il était en mission pour une organisation qui se faisait appeler « la Confrérie » - et notre mère se reposant après être revenue d'un voyage d'affaire - enfin c'est ce qu'elle prétendait n'est-ce pas ? Du coup nous nous retrouvions tous les deux dans la cuisine, et la suite je vous l'ai déjà compté : l'allumette, le feu, le gaz, et mon frère qui use de l'eau du robinet pour éteindre les flammes qui semblaient s'intensifier à mesure que ma peur augmentait. « J'voulais faire des pâtes mais l'allumette a prit feu ! » Et j'vais l'air conne en disant cela du haut de mes douze ans, mon corps juvénile à peine formée portant en lui une force que je ne pensais posséder. Et mes parents n'en étaient pas étonnés; mon frère encore moins. Après tout n'avait-il pas ordonné à l'eau du robinet d'éteindre le feu ? Et comment. Sorcière, la raison était risible, mais soudainement cohérente. Sorcière.

« J'voulais faire comme si j'étais comme tout l'monde et m'oublier » parce que nos parents attendaient j'sais pas trop quoi de nous, mais clairement je ne voulais pas accepter tout cela. Sans doute parce que j'entrais dans une pseudo-crise d'adolescente, et que c'était plus facile de donner l'impression que j'étais comme les autres. En Irlande j'allais dans des écoles « normales » auprès de gens « normaux » et je ne voyais pas pourquoi je ne pourrais pas être comme eux. Mais il était compliquée d'être douée à l'école, et de donner le change. Alors en cours je foutais rien, et le reste du temps je faisais pas grand chose de mieux : fumer, boire, discuter. « Plus tard je voudrais être une artiste, et repeindre l'air du vent - HAHA. » Refaire le monde à notre image; image de petits cons arrogants et stupides. Les fêtes, les garçons, le sexe, une vie d'oisiveté qui ne dura pas bien longtemps au final. En tout cas pas aussi longtemps que je l'aurai voulu.

« J'devais devenir meilleure pour intégrer la Confrérie » et c'est devenu un impératif lorsque notre mère a été blessée durant une mission. Elle et notre père travaillaient pour la Confrérie depuis longtemps. Elle en tant qu'humaine, lui en tant que sorcier. A dix-huit ans j'ai commencé à m'assagir. Mon frère s'entrainait, auprès de notre oncle qui était un « formateur » et bien que tout ceci me semblait encore complètement fou je ne pouvais plus le combattre. Notre mère avait été attaquée, et nous aurions pu la perdre. Notre oncle était là pour nous élever parce que nos parents prenaient des risques et étaient de plus en plus absents à cause des missions. Et parce qu'ils voulaient se battre pour ce monde, notre monde, pour qu'il soit plus sûr, qu'il soit meilleur. « Je suis tout feu tout flamme, et tu es assez vague, c'est assez drôle. » C'est avec mon frère que je m'entrainais, pour passer les épreuves et intégrer la confrérie. Nous fonctionnons en duo, tous les deux. Lui l'eau, moi le feu, notre famille était liée aux éléments, à la terre, et nous travaillions cela constamment. Dans notre maison un peu à l'extérieur de la ville, proche d'un parc, d'une forêt, qu'importe, il fallait simplement de l'air, de la nature. Quelques chose d'essentiel, ou plutôt d'élémentaire.

« Mon frère est crevé, et tout cela n'a plus de raison d'être, put*** » J'ai vingt-six ans. J'me bats dans cette putain de guerre parce qu'on pense faire le bien, et qu'il faut bien des gens pour protéger le monde des monstres qui hantent la nuit, n'est-ce pas ? On se battait tous les deux, dans ce monde. Chasseur pour la Confrérie, sorciers et frère et soeur. C'est ce que nous étions. Mais lui est mord, parce qu'un vampire l'a tué. Et parce que j'ai pas été assez rapide. Parce que le vampire est parti, mon frère avec lui - ou plutôt sa vie. Sa putain de vie, réduite au néant, néant qui m'a envahit aussi. Nos parents ont disparu lorsque j'avais vingt-trois ans. Et que me restait-il à partir de là ? Rien. « Et pourquoi j'vais m'battre maintenant ? Pour ces crétins ? » Mon oncle avait dû sentir que je vacillais, qu'il ne me restait plus grand chose et que je pouvais toucher le point de non-retour. Alors je suis partie. J'ai quitté l'Irlande, Ravensburg, et cette vie que nous avions construit. J'ai rejoint la Mongolie, et un monastère sur les hauteurs, pour me retrouver face au vide, face au monde, face à moi-même. Et j'ai ressenti les éléments traverser mon corps, la magie pure, revenant aux origines. Retrouver celle que je suis vraiment. Le feu qui étouffait en moi, et qui devait à nouveau respirer librement.

« J'crois qu'il faut revenir aux origines pour une Renaissance. » ce qui explique sans doute mon retour à Ravensburg aujourd'hui, après trois ans loin d'ici. J'reviens avec un chien, Leika, un chien-loup qui me suit absolument partout. Je reviens seule, parce que les miens sont morts, sauf mon oncle qui attend mon retour. Et je reviens dans la Confrérie, plus forte et mâture à présent. Plus ou moins, mais révoltée malgré tout - mais on ne peut pas éteindre le feu qui étreint mon être j'imagine. Alors je suis toujours la même, mais plus forte. Toujours avec mon grimoire, mon héritage, ma magie, ma flamme, et mon amour de la nature, ma maitrise des potions (plus ou moins). « J'suis un fier petit sold... C'est qui le beau gosse là-bas ? » Une vision passagère dans un couloir de la Confrérie. Une vision furtive qui l'a troublé. Une beauté fatale, froide, charismatique qui a vrillé son coeur, un temps. Une impression furtive. Mais qui est ce bellâtre au regard si mélancolique ?