i. d'abord il y avait le gamin.
Cette espèce de chose un peu capricieuse qui se félicitait de tout avoir parce qu'il avait une gueule d'ange, et que ses parents y étaient plus que sensibles. Ou alors c'est parce qu'ils s'en foutaient complètement de le rendre capricieuse, le mioche - faut dire que le fric ils en avaient, et qu'ils escomptaient bien le dépenser afin que le reste du monde soit au courant de cette aisance. Lui, il est le petit prince, dans ce foutu palais. Un Prince solitaire, sans frère ou soeur, qui peut jouir tout seul de tout ce qu'il a. Il a eut un chien, pour ses douze ans, parce qu'il voulait un frère mais que le bide de sa mère s'élevait pas. Alors il a eut un chien, et ca lui convenait. Un chien c'est drôle, ca fait des conneries, et surtout ca parle pas. Ca pleure pas la nuit. Ca l'emmerde pas trop. Et quand tu lui dis « coucher » ca se couche, écoutant son jeune maitre aux doigts et à l'oeil. En somme, c'était un foutu crétin, ce marmot, et il n'était même pas gentil. Pas vraiment. Mais il était curieux, il lisait beaucoup, et il lisait de tout. Il écoutait du rock, il jouait du violon, il dessinait, il parlait trois langues. Un crétin d'aristocrate, un crétin de noble, un crétin d'anglais - un crétin surtout. Un crétin qui avait des amis aussi crétins que lui, qui grandissait dans un monde de crétins, et qui ne connaissait pas grand chose de la vie. Mais qui en avait prit conscience.
« Oxford serait un bon choix, après tout il y a bien une bibliothèque à notre nom là-bas. Nos ancêtres faisaient même partis de ces clubs secrets très sélectifs. Il y aurait sa place. » « Mais aucune université n'est aussi bonne que Stanford pour les cours de droit. » « Peut être pourrions nous envoyer le dossier aux deux, et choisir à la fin de l'été. Une fois que nous aurons fêtés son diplome. » Il soupire, exulte, et apprécierait presque d'être ignoré, lors de cette conversation des grands, des autres, des supérieurs, de ces parents; il peut penser à sa guise parce que son avis ne compte pas. Il a lu
Into the Wild - et il a vu le film en plus - l'idée avait germé dans son esprit dérangé, et il ne peut plus s'en défaire. Il doit se tirer. William Rockwood n'irait pas à Oxford; jamais. Il n'ira nul part ailleurs que dans le vrai monde pour changer.
ii. ensuite il y avait le menteur
Le seul truc qu'il emporta avec lui ce fut son chien parce qu'il y tenait à ce clebs, et parce qu'il avait peur de se sentir trop seul. Un chien c'était quand même une présence quand on partait sur les routes. Il y était parti après la fête de fin d'année - il avait bu, baisé son petit ami de l'époque (le premier) et il avait fait sa valise quand tout le monde dormait. Sa mère, son père, sa nourrice, les domestiques - un château cette maison; où il oubliait le nom de ceux qui bossaient pour sa famille parce qu'ils changeaient tout le temps de toute façon. Pas de constance, pas de chaleur, rien; du vide, des sourires forcés, des masques impassibles. Et lui dans tout cela qui brûle de vivre et de vibrer, d'être enfin quelqu'un. D'être moins seul. Avec son chien, il part sur les routes, un gros sac à dos de baroudeur sur le dos, et du liquide plein les poches. Du whisky, et du fric. Il fait du stop, il fait des rencontres, il marche beaucoup. Il arrive à Lorwells. Et cet enfoiré écrase son chien quand il part pour traverser. Le clebs est mort, et lui est seul à l'hosto à côté d'un type qu'il connait pas. Mais qui est gravement beau, l'enfoiré.
« Tu as écrasé mon chien. » Qu'est-ce qu'il pouvait dire d'autre quand l'autre se réveille enfin, et qu'il ne sait pas comment réagir. Parce que c'est la première fois qu'il reste avec quelqu'un aussi longtemps; et qu'il a envie de parler, ayant perdu l'habitude. L'autre le regade comme s'il avait une foutue corne au milieu du front, mais fini par répondre. Désabusé, abusé - il sait pas. Et quand il dit qu'il s'appelle
Ode il ne le croit pas. Qui peut s'appeler Ode ? Alors il répond que lui c'est
Delilah. et il se perd dans cette foutaise, quémander l'attention de l'inconnu parce qu'il n'a plus de chien. Et qu'il lui en faut un, de chien, pour céder à ses caprices et pour le faire marrer. Ode a cédé, Ode l'a fait céder, Ode l'a brisé, s'est brisé. Dans un premier baiser, une première cigarette, et ces bouteilles qui jonchées le sol constamment. Un appartement qu'ils se partageaient, les payant part coups de petits boulots que Delilah ne garde jamais longtemps. Parce que ca l'emmerde de bosser, et parce qu'il préfère se perdre dans les bras de son ami. Le premier, véritable. Le premier qu'il conçoit comme tel, parce qu'il est sincère avec lui. Pas sur tout, mais plus qu'il ne l'a jamais été. Il est comblé, il se dévoile, il se met à nu, et ca l'excite Ode, il le voit bien. Alors il le baise, violemment. Parce qu'il ne veut que cela. Et qu'importe qu'il eut une petite amie qui s'appelait
Liana et qui l'aimait. En tout cas c'est ce qu'elle lui murmurait quand il la prenait. Mais il s'en fichait, lui il tremblait pour Ode. Mais Ode n'était à personne, et ne pouvait pas être posséder. Il était désirable parce qu'il était indocile. Et s'il avait été à Delilah, celui-ci ne l'aurait pas autant désiré - il en est persuadé. Alors pour oublier il prend une dose de plus, s'oublie, se perd, se blesse. Ils se blessent. Ils s'enlacent, s'embrassent, s'embrasent. Et la vie lui tend les bras quand il soupire dans les bras de son amant. Et la vie le brûle quand il prend une drogue nouvelle. Et la vie l'étreint parce qu'il pense la découvrir. Parce qu'il se dit que c'est cela le réel, c'est se bercer d'illusions.
iii. après il y a eut l'héritier
il l'avait vu arrivé de loin, ce jour-là. Faut dire qu'il était pas spécialement discret le type en question. Il porté ces lunettes à la James Bond, et il regardait partout autour de lui comme s'il avait peur d'être repérer - un comportement qui n'était pas assez discret pour qu'il se fonde dans le décor. Il avait un pardessus affreux, et un pantalon en toile qui devait lui tenir sacrément chaud. Mais surtout il avait un appareil photo autour du coup, et un dossier enfermé dans un carton en craft marron. Dégueulasse - se souvient-il avoir pensé alors qu'il fumé sa clope, assis à la terrasse d'un café pour boire le dit café sans que quelqu'un vienne le faire chier. Il s'était approché de lui, et s'était installé l'air de rien, en mode
J'suis chez moi je t'emmerde et Delilah n'avait rien dit.
« Fini les conneries, William. Il est temps de rentrer à la maison. » Il avait tenté de l'ignorer d'abord. Avait continué à fumé comme si l'autre n'existait pas, l'air profondément ennuyé, mais sans rien semblé. Sans rien laissé paraître, comme si son vis-à-vis parler à quelqu'un d'autre.
« Delilah. » C'était mieux déjà, et il inclina la tête pour lui signifier qu'il l'écoutait.
« Ta mère est malade. Cancer. Il lui reste quelques semaines, et si tu comptes avoir son foutu héritage tu devrais plutôt jouer les bons fils prodige. » Ouais. Surtout qu'il manque de tunes, que ces clopes sont les moins chères, et qu'elles sont dégueulasses. Il soupire, écrase son mégot à moitié entamé, et se lève, faisant signe à l'autre de le suivre, et sans un mot de plus - sans un mot tout court - il rentra chez lui - chez Ode aussi qui bossait - et il fit ses valises. Il emporta tout ce qu'il pouvait, le détective se faisant un café et appelant ses clients pour les rassurer : oui il l'avait retrouvé, et William était toujours en vie. Il rentrait. A la maison. Tout de suite. En tout cas dans les plus brefs délais. Ce qu'il fit. Delilah termina son sac, rangea quelques affaires, fit la vaisselle parce que c'était à son tour et qu'il ne l'avait pas fait plus tôt. Il laissa ses clopes choir dans un coin. Il ne laissa pas un mot derrière lui, juste ses foutus clé. Sortant de la vie d'Ode comme ce dernier était entré dans la sienne - en l'écrasant sous le point de la fatalité, du hasard, et de la vie.
iv. enfin il y eut le joueur
Revenir dans l'illusion , dans ce monde fait de paraitre et de qu'en dira-t-on il joua à nouveau son rôle. Etrangement c'était plus simple de remettre les pieds dans les chaussures cirés de William que de fumer les clopes de Delilah et de s'étouffer de la fumée nocive. Il n'arrêta pas de fumer, malgré tout. Il restait des choses de Delilah qu'il ne réussit jamais à abandonner : les clopes, le verre de Whisky du soir, et le mec facile le Samedi en boite. Gay. Un peu trop tapette, un peu folle, et efféminée. Pas que Delilah les aimait comme cela, mais au moins ces types-là ne ressemblaient pas à Ode. Et il ne supporterait pas de baiser un mec qui ressemblerait trop à Ode. Ode. Ode. Ode. Nom maudit, qui se rappelait constamment à lui. Quand il tomba amoureux d'une fille. Quand il reprit ses études en express pour devenir gestionnaire, et faire de l'histoire de l'art. Quand il quitta la fille alors qu'elle voulait l'épouser. Quand il enterra sa mère. Quand son père parti dans un hôpital parce qu'il était devenu fou. Quand il se retrouva seul avec sa fortune, un boulot de merde, et sans une idée de quoi foutre de sa carcasse. Quand il rêvait. Quand il dormait. Quand il fixait le plafond. Quand il se touchait. Ode. Ode. Ode. Enfoiré. Putain d'enfoiré qui l'avait empoisonné, possédé, et qui lui revenait toujours avec force. Mais Ode est à Delilah, et Delilah est une illusion restée à Lorwels. William, à Londres, il ne le connait pas Delilah. Delilah n'a pas de nom, que de faux papiers, et pas grand chose à offrir. Il chante et joue de la guitare cela dit. Comme William. Delilah était beau gosse, sans attache, gay mais pas seulement. Comme William. Delilah était drogué, sans l'sous, et pervers. William avait le fric en plus. Delilah embrassait la vie, l'embrasait, s'embrasait. WIlliam se fait chier à mort. Il finit par prendre la suite de son père, expert en oeuvre d'art dans l'entreprise familiale dont il sera un jour gérant - quand il aura plus d'expérience quelque chose comme cela. Pour l'heure il parcourt le monde pour faire payer des gens une fortune des tableaux qui n'ont pas beaucoup de valeurs sauf numérique. Foutaises.
« Tu devrais te trouver une ville sympa pour t'installer. Après tout le buisness peu se faire de partout avec Internet. En parlant d'internet tu as vu ce dernier truc à la mode ? » Crétin de Geek.
Nerve. Nerve. Nerve. Nom scandé, découverte délicieuse, à pique. Où il pose de l'argent pour s'amuser des autres. Et c'est ainsi que la réalité à traverser l'illusion, l'a étreint, et embrassé. Et que William a découvert Lorwels, que Delilah y est revenu. Il s'enferme dans son délire, ne sachant qui il doit être, qui il veut être. Il porte une chemise blanche cette fois, parce que ca fait plus classe, et quand il arrive devant le salon de tatouage il a envie de rire, sans le comprendre.
Est-ce que c'est toi qui a lancé le défis à ma soeur ? Non crétin, j'passais dans le coin et je me disais qu'après trois ans arriver sans raison en serait une bonne pour te laisser m'ignorer. Evidemment qu'il a lancé le défis, et il y en aura d'autre. Mais pour l'heure il y a Ode. Son Ode à la vie.